Les rituels font partie intégrante de la vie individuelle et de la vie de couple. Bien qu'on ne pose pas toujours cette appellation sur ces habitudes qui structurent le quotidien, il s'agit bien de rituels au sens où ces actions sont coutumières, structurantes, relativement fixes, et à caractère symbolique. Les rituels permettent de prendre soin - on pensera au rituel de coucher ou de lever par exemple, au baiser avant de partir au travail. Ils sont alors appréciés, puisqu'ils permettent de sécuriser le couple mais également de le singulariser. Le risque des rituels est cependant un écueil bien connu des couples, plainte récurrente en consultation : c'est la routine et l'ennui qu'elle entraîne et nourrit. Les rituels deviennent alors sans saveur, leur récurrence ayant pris des allures de cage et non plus de piliers.
On comprend donc que la vie de couple est ritualisée dès ses premiers instants, ritualisation plus ou moins volontaire et visible mais toujours présente, puisque sans elle il n'y a pas vie de couple. Les premiers rituels interviennent bien sûr avec la rencontre, qu'elle soit programmée ou non. Une rencontre prévue impliquera cependant des rituels supplémentaires et spécifiques : on s'apprête, on choisit ses habits et parures, on organise les temps forts de la rencontre, etc. On se salue et se quitte d'une certaine façon, les mots sont choisis avec soin. Ce premier rituel de la rencontre détermine nombre d’éléments pour la suite, puisque c'est dans ces premiers instants que se construisent les grands axes de la dynamique relationnelle à venir. De même, la première union sexuelle (ainsi que les conditions dans lesquelles elle advient) est absolument déterminante pour l’évolution érotique du couple. Les rituels jouent un rôle-clef dans ce qu'on qualifie de "contrat" en sexologie, contrat généralement tacite et présent chez n'importe quel couple. Les rituels, outre leur valeur ludique, plaisante et créative - tout dépendra de la sensibilité des partenaires - délimitent donc le territoire à venir du couple.
Les rituels sont donc fédérateurs : ils sont convenus, organisés, co-déterminés et participent à rendre chaque relation de couple unique puisqu'ils ancrent la complicité entre individus. De fait, ils sont la résultante de l'union de l'un et de l'autre, une création commune en somme. Ils sont également rassurants et permettent de déterminer une zone confortable dans laquelle la relation est cadrée. Il y a par exemple des rituels de lever, de coucher, de retour du travail, rituels de séductions, rituels érotiques en grande nombre évidemment, etc. Certains couples auront peu de rituels, d'autres beaucoup. Ces rituels se travaillent, s'inventent, se modulent également.
Lorsque les rituels sont vécus comme une lourde routine, ils sont dépouillés de leur sens fédérateur originel. Dans ce cas, il peut être intéressant de désorganiser les rituels afin de bousculer l’habitude. Cependant, la manœuvre nécessite autant de douceur que de délicatesse, et l'accompagnement sexologique est nécessaire. De fait, puisque les rituels sécurisent le territoire du couple, les désorganiser peut être destructeur pour celui-ci. Prenons l'exemple des rituels érotiques : si un des deux partenaires s'est lassé des rituels érotiques, il proposera peut-être à son compagnon de nouvelles expériences pour "pimenter la vie de couple. En tête de liste de propositions, on retrouve la sodomie, les clubs échangistes, et pratiques dites BDSM. Cette proposition, venue d'un partenaire qui s'ennuie, et faite à un autre qui, en l'occurrence, ne s'ennuie pas, aura l'effet d'une bombe. C'est souvent à ce moment-là qu'on retrouvera ce couple en cabinet de sexologie d'ailleurs. Lorsqu'on travaille à la désorganisation des rituels de couple, il est donc indispensable de travailler sur les fondations individuelles, les fondations du couple et à la souplesse, afin d'avoir des racines solides et des branches capables de danser sans déstabiliser la base. Il s’agira d’enrichir sans insécuriser, de ré-apporter de la créativité et du jeu pour créer de nouveaux rituels plaisants, là où les rituels présents n’étaient plus savourés.
Généralement, on ne remarque les rituels que lorsqu'ils deviennent routiniers, c'est-à-dire négatifs. Il peut être intéressant, donc, de les remarquer et de les savourer plus tôt dans la relation, d'apprécier leur valeur structurante pour le couple. Il sera déterminant ici de travailler sa perception du monde, c'est-à-dire d'apprendre à regarder avec un regard neuf (vierge soit réceptif, dirait-on dans une perspective de sexualité sacrée), ce qui permettra de les apprécier plus durablement, et de les moduler beaucoup plus facilement si besoin est.
