La délégation du plaisir

La délégation du plaisir est un phénomène qui peut apparaître chez les couples (j'évoque ici les couples de 2 personnes. Ce phénomène se développe plus rarement dans les schémas amoureux à 3, eux-mêmes rares dans leur forme authentique). On constatera peut-être que la sexualité solitaire est plus plaisante que le sexe avec la/le partenaire. Plusieurs raisons à cela, à commencer par le manque d’habileté du partenaire en la matière, mais ce n’est pas le développement du jour : nous parlons aujourd’hui de plaisir et de pouvoir.

Le rapport sexuel classique est une délégation de pouvoir : on confie à l'autre le soin de déclencher notre plaisir – même quand on sait comment il pourrait y arriver. Le jeu est d’autant plus risqué que cet échange de pouvoir a longtemps été perçu comme constitutif de la vie sexuelle d’un couple.

Le premier problème est évidemment la dépendance dans laquelle on se met vis-à-vis du partenaire, et qui est une bombe à retardement de frustration. Si un partenaire ne répond pas aux attentes, le second peut nourrir un ressentiment grossissant à son égard. Le deuxième problème est l’énorme pression mise sur le partenaire ‘actif’ : ce fonctionnement nourrit l’anxiété de performance, et déplace plus ou moins hypocritement la responsabilité sur l’autre. Le troisième écueil concerne ceux qui ne connaissent pas leur corps et leur cartographie de plaisir : cette délégation entretiendra leur méconnaissance de leur corporalité.

Comment faire face à un tel fonctionnement si on le remarque dans sa relation ?

  • Faire le point seul : ai-je grandit avec une culture ou éducation qui culpabilise l’accès au plaisir ? Auquel cas je délègue plus ou moins consciemment, afin de me délester de la culpabilité qui accompagne ma responsabilité.
  • Communiquer pour équilibrer les responsabilités dans la recherche de plaisir : dire ses goûts, attentes, pour que l’autre n’ait pas la double responsabilité de deviner + satisfaire.
  • Connaître son corps en découvrant ce qui l’active sensoriellement (auto-érotisme) et en décentrant le plaisir de la seule zone génitale
  • Activités sensorielles à faire ensemble (massages, bains, etc.),
  • Ecouter nos désirs (triade cognitive-émo-aphro) et non pas la seule volonté (mental) : se poser la question : qu’est-ce qui me ferait du bien ?
  • Expansion érotique personnelle (apprendre à se nourrir érotiquement : corps, imaginaire, émotionnel, etc.)

Faire l’amour en couple est une création vibrante et co-active. Chacun est responsable de son plaisir en même temps qu’il nourrit, par rebond, celui de l’autre. Aucun partenaire ne pourra donner du plaisir à une personne figée dans son corps, qui ne sait pas ressentir de l'intérieur le plaisir qui se déploie dans son corps. De fait, si ce plaisir n'a pas l'espace pour se déployer, il ne se développera pas. D'où l'importance de se connaître et de laisser la fluidité de l'abandon opérer. 


Je vous invite donc à vous poser ces quatre questions : ai-je tendance à faire reposer sur mon/ma partenaire la responsabilité de mon plaisir ? Est-ce que je me sens responsable de son plaisir, me mettant ainsi la pression pour « bien et mieux » faire ? Que sais-je de mon corps et de ma cartographie du plaisir ? Et enfin, qu’est-ce qui, maintenant, me ferait sensuellement et sensoriellement du bien ?

Artiste : inconnu


Messieurs, la parole est à vous !